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5 mars 2012 1 05 /03 /mars /2012 21:10

Par Claire Thomas-Junius, Maitre de Conférences-HDR, Université Evry Val d’Essonne, UFR SFA, Département STAPS, Evry - INSEP, Mission Recherche, Laboratoire de Biomécanique et Physiologie, Paris - claire.thomas@univ-evry.fr

 

 

De nombreux travaux scientifiques ont mis en évidence le rôle de l’acidose musculaire et sanguine dans l’apparition de la fatigue, même si ce n’est pas le seul facteur. Ainsi, au cours des exercices de haute intensité, la production d’énergie génère une formation importante de protons par le muscle créant une acidose musculaire (Robergs 2004). Ces protons peuvent ensuite traverser la membrane du muscle pour passer dans le sang, et générer alors une acidose sanguine (1). L’accumulation de protons peut altérer le couplage-excitation au sein du muscle ce qui nuit à la contraction musculaire et donc à la production de force, mais pourrait aussi intervenir sur les réactions du métabolisme énergétique et ralentir la production d’énergie.

 

 

Alors comment lutter contre l’apparition de l’acidose ?
L’organisme possède trois systèmes de défense contre l’acidose, à savoir les capacités tampons sanguine et musculaire, la participation de l’appareil respiratoire à la régulation de pH au cours de l’exercice, et la participation des reins sur le long terme.

Si nous nous intéressons au muscle squelettique, il possède un système de défense contre l’apparition de l’acidose, appelé « capacité tampon » qui permet de lutter contre la baisse de pH au cours de l’exercice intense. Cette capacité tampon musculaire est constituée de réactions métaboliques (2)et de composants cellulaires tels que les protéines, la carnosine et les phosphates. Ces réactions métaboliques et ces trois types de composants ont la propriété de prendre en charge des protons et donc de diminuer leur accumulation au niveau musculaire. Les capacités tampons musculaires et sanguines sont importantes pour maintenir la performance dans de nombreux sports et notamment au cours d’exercices intermittents (tennis, rugby, football…).

 

 

Peut-on améliorer la capacité tampon du muscle squelettique avec l’entraînement ?
Si la capacité tampon du sang n’est liée qu’à la présence de l’hémoglobine et des ions bicarbonates, sa modification ne peut résulter que d’une augmentation du nombre de globules rouges et/ou d’une supplémentation en bicarbonate de sodium prise avant l’exercice. En revanche, il a été montré que l’entraînement peut améliorer la capacité tampon du muscle squelettique (Edge et coll. 2006), et ce en fonction de l’intensité de l’exercice pratiqué.

En effet, lorsque l’on réalise des biopsies musculaires au repos chez des sportifs entraînés en sport collectifs (football, hockey, basket-ball), on observe des valeurs de capacités tampons musculaires significativement supérieures à celles mesurées chez des sportifs entraînés en endurance (cyclisme, aviron, triathlon) et des personnes sédentaires (Edge et coll. 2006).

Ainsi, deux groupes de sportifs ont été soumis trois fois par semaine pendant cinq semaines, soit à un entraînement intermittent (INT) de haute intensité de 2 min à 100% de VO2max avec 1 min de récupération (6 à 12 répétitions en augmentant le nombre de répétition au cours des semaines), soit à un entraînement continu (CON) à 90% du seuil ventilatoire avec la même quantité de travail que pour le premier groupe (par exemple 7 x 2 min avec 1 min de récupération soit 21 min d‘effort, temps qui sera donc effectué par le groupe à intensité modérée en continu) ;dans les deux cas, l’entrainement sera suivi d’une période d’affûtage (Edge et coll. 2005, 2006). Les résultats montrent une amélioration significative de la capacité tampon musculaire uniquement dans le groupe soumis à un entraînement intermittent à haute intensité, alors que la VO2max augmente dans les deux cas. Par ailleurs, la capacité à répéter des sprints est augmentée après l’entraînement, et de façon significativement plus importante dans le groupe entraîné à haute intensité (Edge et coll. 2005).

Si l’on sait maintenant que l’intensité d’entraînement est un facteur important à prendre en considération pour développer la capacité tampon, intéressons-nous à la Figure 2 qui récapitule différents types d’entraînement où la capacité tampon musculaire a été mesurée avant et après entraînement à partir de biopsies musculaires. Il s’agit ici de différents protocoles d’entraînement (continus ou intermittent), avec différentes intensités et durées d’exercices et de récupération, et générant différents niveaux d’acidose musculaire.

Cette figure nous montre que l’entraînement en endurance, qui génère très peu d’acidose musculaire, ne permet pas d’améliorer la capacité tampon musculaire (aérobie < seuil lactique (LT)), ce qui confirme qu’une intensité trop faible ne provoque pas d’adaptations de ce paramètre. De la même façon, des efforts maximaux de 30 secondes suivi d’une récupération de 4 minutes ne semblent pas efficaces. En effet, on peut noter que des temps de récupération correspondant à 8 fois le temps d’effort permettent une meilleure élimination de l’acidose entre les sprints, ce qui pourrait réduire les stimuli conduisant à l’augmentation de la capacité tampon.

 

 

En revanche, des entraînements intermittents réalisés entre 80-90% de VO2max améliorent la capacité tampon, lorsque la durée de la répétition est suffisamment longue (2 min) et avec une récupération plus courte que la durée de l’exercice. Donc une production d’acidose couplée à une activité contractile élevée semblent nécessaires pour accroître la capacité tampon. En effet, pour résumer, les études montrent que l’intensité optimale pour améliorer la capacité tampon semble être autour de 80% de VO2max avec des durées de récupération inférieure à la durée d’exercice. Par ailleurs, s’entraîner dur n’est pas toujours bénéfique, notamment pour développer la capacité tampon du muscle ! Alors, contrairement à des idées fréquemment avancées, l’entraînement très intense n’est pas forcement le meilleur moyen de faire progresser les différents paramètres qui conduisent à la performance. Pour autant, réaliser 10fois 2 minutes d’effort à 90% de VO2max avec 1 minute de récupération est loin d’être facile.


Références
  • Bishop et coll. (2003). JSaMS. 6(2): 199-209.
  • Bishop et coll. (2004). EJAP. 92:540-547.
  • Bishop et Edge (2006). EJAP. 97:373-379.
  • Edge et coll. (2006). EJAP. 96:97-105.
  • Edge et coll. (2005). MSSE. 37(11):1975-1982.
  • Robergs et coll. (2004). AJP RICP. 287 :R502-R516.

(1) On peut mesurer l’acidose par le microprélèvement d’une goutte de sang au bout du doigt au cours de la récupération d’exercices intenses. Le pH sanguin de 7,4 au repos peut atteindre ainsi des valeurs de 7,10-7,00 avec des extrêmes de 6,8 chez des athlètes de haut-niveau après un exercice de très haute intensité.
(2) métabolisme de la phosphocréatine, oxydation de protéines.

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